Serge Brussolo / Le Syndrome du scaphandrier – être plasticien au XXIème siècle

Serge Brussolo – Le syndrome du scaphandrier | actuellement chez Gallimard FolioSF et précédemment chez Denoël Présence du Futur

Serge Brussolo ne me semble pas assez considéré dans les milieux littéraires français. Au même titre que J.-G. Ballard, il apparaît pourtant comme un objet littéraire non-identifié.

Les colloques de Cerisy et Jacques Goimard (les premiers qui me viennent à l’esprit) essaient de suggérer une autre vision, plus large, i.e. moins catégorisante, de la littérature et de la culture. Il est toujours pénible de voir de véritables écrivains être déclassés de par leurs choix thématiques, sachant que nombre d’écrivaillons sont surclassés, et ce parfois en termes élogieux.
Des efforts sont à l’oeuvre pour réhabiliter des créateurs passés, et pour attirer l’attention sur ceux qui construisent avec application et minutie, et avec une maîtrise de la langue, de nouveaux paysages qui relèvent de l’art et non pas d’un littéraire convenu.

Être un franc-tireur

La démarcation entre le mineur et le majeur résulte d’une puissante subjectivité académique. Les institutions lettrées continuent majoritairement de relayer cette myopie culturelle : Kafka est sortie de l’ornière. Borges s’est bien débrouillé lui aussi. Lovecraft a du mal. C’est déjà ça.

Serge Brussolo est un fou écrivant. Sa folie s’exerce à travers des sujets définissant la littérature “mineure” [allons-y doucement pour préserver les baudruches lettrées : pulsion compassionnelle]. Il écrit des polars, du fantastique, de la science-fiction, de la littérature jeunesse et même parfois de la… littérature. Un problème pour trouver sa place ? Ah parce qu’en plus il faut une place quand on est écrivain !?
S. B. est un raconteur d’histoires doublé d’un créateur d’univers, et tout ceci il le fait avec des mots – cela suffit, je pense, pour le considérer en tant qu’écrivain sans guillemets, précautions oratoires ou justifications quant à sa valeur intrinsèque. A chaque roman ou nouvelles, on est dans un lieu différent du précédent, un ailleurs de plus a émergé de son cerveau-chapeau-magique.

Deleuze s’en mêle

« Elle est indépendante du créateur, par l’auto-position du créé qui se conserve en soi. Ce qui se conserve, la chose ou l’oeuvre d’art, est un bloc de sensations, c’est-à-dire un composé de percepts et d’affects. »

Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?.

Belle citation, n’est-ce pas ? À dire vrai, tout le chapitre 7 “Percept, affect et concept” est singulièrement beau.

On peut se demander si Serge Brussolo connaît cet ouvrage, ou du moins cette conceptualisation de l’art propre à Deleuze. Dans Le syndrome du scaphandrier, les œuvres d’art sont bien des blocs, doués d’une vie immobile et dont émanent des affects et des percepts, et ce jusqu’à entrer en interaction avec leur milieu et les humains traînant alentours. chez Brussolo, à y regarder de plus près, la création (créature) artistique devient un objet, une concrétude artistique, comme un morceau d’imaginaire et d’aspirations qui se font forme abstraite entrant en résonance avec le monde réel.

Deuxième questionnement du livre : la réalité, c’est quoi au juste ?

Si un artiste ramène du monde de ses rêves cette sorte de “métamorphe” interactionnelle capable d’influencer l’espace environnant, alors où sont les frontières ? Ce que le scaphandrier (l’artiste, donc) pénètre et vit pendant une semaine onirique est une autre dimension sans les limitations communes. L’histoire dont l’artiste est plus ou moins le héros est une métaphore chargée de sens. La chose qui est ramenée est un signifié sans signifiant, puisqu’il déborde de sens par sa seule présence. Ses contours physiques ne peuvent être considérés comme des aspérités pouvant être envisagées en tant que porteurs de signes : l’être là suffit.

Artistique

On sous-estime la trouvaille de Serge Brussolo.
Il a donné vie à un concept en lui donnant une réalité. Cette dernière est fictive, certes, mais cette concrétion unique et indépendante est bien l’incarnation d’une pensée, ce ” bloc de sensations”, ce “composé de percepts et d’affects”, n’est-ce pas ?
Ou alors, on a pas encore compris ce que Mister Brussolo voulait nous raconter : un message est inscrit dans cette histoire.
Hum…
Ben oui… Fondamentalement, une œuvre d’art est cette concrétion mystérieuse, qui est une présence, qui entre en relation avec son environnement, etc., etc.

Peut-être que Serge Brussolo veut dire tout simplement : une œuvre d’art, comment vous le dire… c’est ça.

Tout ceci dans un plongeon d’aventures où tout est possible, bien entendu, et vous allez vous régaler.

Merci monsieur Brussolo et à bientôt.

Gilles Arnaud

Un court métrage inspiré dudit roman par LEAPHAR


Le syndrome du scaphandrier HQ par LEAPHAR

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